Tergiverser

Il ne faut pas aller par quatre chemins. Il y a la vie ou la mort, on est mort ou vivant. Nous existons dans cet entre deux. Dans la balance entre Éros et Thanatos. Nous sommes tenus entre la mort présente, et la vie absente. La mort étant dans le monde. Le monde étant comme un mort. La vie se présente si rarement. Si bien qu’apparaissent à notre insu des formes d’angoisses, ou d’insomnies, dont les causes sont difficilement repérables.
Pour refouler le mort, nous avons des outils, des astuces. Qui peuvent se transformer en pièges, en addictions, en illusions de vie, ou bien en visions de la vie. Mais ceci est si rare, si exceptionnel.
Malgré la rareté de la vie vraie, dès lors que nous la rencontrons, elle est intense. Et ne laisse aucun doute. Nous savons que c’est là où nous avons à nous engager. Investir nos efforts. Comme on épouse celle qu’on aime. On persévère avec elle sur le chemin unique du vivant. Nous nous métamorphosons. Nous sommes métamorphosés. Ce qui est mort en nous s’efface de plus en plus. Notre corps même reçoit les effets bénéfiques de cette transformation.
Se peut-il qu’il devienne lumière pure ? Ça, les témoignages de ce type de phénomène existent-ils ? S’il en existe, sont-ils fiables ? Tout est possible pour la matière. Le plomb en or, l’eau en vin. Et d’autres métaphores.
Un homme illuminé d’un amour pur, irradie. Ces phénomènes d’auras, d’auréoles, on peut accepter sans choquer la raison.
L’inverse également peut se rencontrer, des êtres auréolés de noirceurs, des âmes tombées dans la nuit profonde.
Et dans quelle mesure pourrions-nous prétendre que notre âme n’est pas dans cette nuit, pour une part ? Songer que nous avons deux visages, comme la Terre, le jour et la nuit.
En vertu de ceci, il ne nous est pas permis de juger nos congénères sans savoir de quoi il s’agit vraiment. Nous n’avons que le droit d’éclairer l’autre dans sa nuit, dans la mesure où nous avons quelques lumières à lui rendre. Et réciproquement.
Cela devrait suffire pour chasser la mort. Ainsi nous progressons, c’est une œuvre en commun.
Parmi ces œuvres, il y en a de vie et d’autres de mort. Pour ces œuvres de vie on doit beaucoup mourir. Beaucoup donner de sa vie, de soi.
Par ailleurs, si on y pense vraiment sérieusement, la seul mort qui nous touche de près, c’est celle de l’autre aimé. Là, on meurt avec l’autre. Et donc, on vit aussi dans la vie de l’autre, par la vie de l’autre. On ne vit pas, seul, enfermé, replié sur soi. On a le droit de se prémunir si l’autre nous affecte, nous mine, prend notre vie, et s’interroger de façon réciproque sur nos actes nuisibles affectant les autres. Ou ne leur rendant pas ce qu’ils sont en droit d’attendre de nous.
Dans ces conditions les meilleures, le monde renaît. C’est pourquoi on se doit de créer les meilleures conditions possibles les uns pour les autres. Ces conditions ne tiennent que dans les échanges des connaissances, quand ces échanges sont limpides.
Ça, ce n’est pas surhumain. On sait ce qui est inhumain, ce qui altère gravement notre humanité. Sans même évoquer la dimension des âmes blessées meurtries.
Ceci, cette affection profonde, et profondément douloureuse, n’est pas à la portée du premier venu, sauf en soi, et encore, passe-t-elle inaperçue, recouverte de nombreux voiles, comme lors d’un sursis. Exactement comme la terre, en déséquilibre, en ruptures possibles et soins très difficiles.
On a l’histoire, on peut prendre la mesure des souffrances, des héroïsmes, et des atrocités commises. On peut sur ces données, envisager le pire ou le meilleur. On peut effectuer nos choix. En faire part aux générations suivantes, afin qu’eux mêmes aussi fassent leur choix. C’est la moindre des choses.

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