Nous sommes venus dans ces corps par la puissance des désirs, de nos pères et de nos mères, qui nous ont arraché des lieux où nous étions, soit endormis soit morts. Peut-être étions-nous accomplis ? Ceci doit être rare, ce genre de venue d’un être accompli dans un corps altéré, sans doute pour des raisons d’un ordre supérieur.
Ici nous sommes coupés en deux avec une moitié qui nous fait défaut. Dès qu’on pense avoir découvert quelque réponse, d’autres questions encore plus profondes apparaissent. Des questions relatives à la violence récurrente qui sévit, d’autres à propos des désamours entre les sexes qui ne s’entendent guère, ou le constat affligeant d’un monde suicidaire, de combats absurdes pour une vérité qui échappe à tout le monde.
Avec quelle autre moitié allons nous pouvoir nous sentir dans une unité sereine, si c’est possible en cette existence ? Il semblerait qu’il nous faille franchir les horizons existentiels pour que cela se fasse. Cela n’est plus de ce monde. Ce n’est plus cette puissance des désirs de cette vie qui nous hante, ou nous anime, pas plus que de la voir mourir avec indifférence ou jouissance par vengeance, à cause des souffrances vécues ici. Non il s’agit d’un autre lieu où nous sommes en vie, et de s’y rendre. C’est la question du rachat. De cette reconstitution de nous à nos origines. De savoir d’où nous venons et où nous allons. Ce qui modifie le présent de façon considérable.
Nous serions par conséquent moins attachés aux choses de ce temps. Mais bien plus à celles de nos âmes, de cette séparation effective de notre âme en deux moitiés. Cette affirmation semble fausse, puisque nous sommes dans notre génome un être entier. alors que nos cellules sexuelles sont haploïdes, et paraissent dominer toutes les autres, et poussent les vivants à s’unir. Mais c’est insuffisant comme explication de nos manques.
Comprendre que dans nos chairs, nous manque cette part divine. Plus que celle de l’ange. Un degré au dessus, du fait de notre volonté d’être existant libres. Un homme ou une femme ne peut accepter d’être l’ange de l’autre. C’est cela la définition singulière de l’homme ou de la femme. Il s’agit de plus que de liberté, il s’agit de facultés créatrices, de prises de décision, d’orientation. Il s’agit en vérité de quoi ?
Un ange, suit. Un « dieu », c’est à dire une volonté créatrice et organisatrice sans défaut, sans faille, ni erreur, doit assumer cette position sinon, retombe, et recommence.
La terre a cette mission là, d’être une pépinière des dieux. Par les hommes qui redécouvrent tous leurs pouvoirs.
Il est évident que les effusions de sang sont en sens interdit. Signe d’un échec. Nous retombons dans la fosse.